Cotco : un nouveau DG nommé face aux menaces de Savannah Energy de fermer le pipeline Tchad-Cameroun.
Un conseil d’administration de Cameroon Oil Transportation Company (Cotco) s’est tenu ce 4 juillet 2023 à Douala, apprend-on de sources internes à l’entreprise. « Le premier enjeu de cette réunion est la désignation de nouveaux dirigeants de l’entreprise », indiquent les mêmes sources. Selon les premiers échos qui proviennent de Douala, le Camerounais Bako Harouna (photo) a été porté à la tête de cette société en charge de l’exploitation de la partie camerounaise du pipeline par lequel le Tchad exporte tout son pétrole. Ce magistrat de formation était jusqu’à sa nomination, directeur général adjoint du Port autonome de Kribi.
Cette désignation semble avoir été accélérée par l’actualité au sein de cette société. En effet, selon une lettre du secrétaire général de la présidente de la République du Cameroun adressée le 30 juin 2023 au secrétaire d’État auprès du ministère camerounais des Mines, de l’Industrie et du Développement technologique, dont Investir au Cameroun a obtenu copie, les responsables désignés à la tête de Cotco par Savannah Energy menacent de fermer l’oléoduc. Selon le courrier de Ferdinand Ngoh Ngoh, ces menaces devraient être mises à exécution dès le 30 juin dernier. Mais, selon nos informations, « au regard des conséquences graves qui résulteraient de la fermeture du pipeline Tchad-Cameroun et du péril qu’une telle action ferait peser sur la société Cotco », les autorités camerounaises ont pris « des mesures conservatoires » pour assurer le bon fonctionnement de cette infrastructure. Nos sources signalent, par exemple, la présence ce 4 juillet 2023 des forces de l’ordre au siège de l’entreprise à Douala.
En effet, Savannah Energy revendique l’acquisition de 41,06% des parts de Cotco détenues par l’Américain Exxon Mobil. Cette acquisition a permis à la junior pétrogazière britannique de prendre le contrôle de la société. Fort de cela, au cours d’un conseil d’administration tenu le 24 mai 2023 à Paris, elle a nommé Nicolas de Blanpré au poste de directeur général. Sauf qu’avec la concrétisation du rachat des 31% des actions de Cotco alors détenu par le Malaisien Petronas par la Société des hydrocarbures du Tchad (SHT), N’Djamena a pris le contrôle de l’entreprise avec 53,77% des parts, et a organisé une assemblée générale le même jour dans la même ville. À l’occasion, les administrateurs représentant Savannah Energy ont été révoqués, dont Nicolas de Blanpré, au motif que la junior pétrogazière britannique, n’étant plus membre du consortium exploitant le champ de Doba au Tchad, n’a plus le droit, selon les statuts de Cotco, de détenir des actions dans l’entreprise.
La réalité est cependant moins tranchée. Opposées au rachat des actifs de Exxon Mobil par Savannah Energy dans leurs pays, les autorités tchadiennes les ont nationalisés et confiés leur gestion à Tchad Petroleum Company (TPC), créé pour les besoins de la cause. Mais, l’affaire est toujours pendante devant la Cour internationale d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale de Paris. Du coup, malgré sa révocation et bien qu’il ait nommé un intérimaire en la personne de Stéphane Soumahoro, Nicolas de Blanpré continue d’agir et de se présenter comme directeur général de Cotco. « Les bureaux de Cotco à Douala seront fermés les 4 et 5 juillet 2023. Les employés sont priés de travailler à partir de leur domicile pour ceux qui le peuvent », indique-t-il dans un message adressé le 3 juillet 2023 au personnel.
En convoquant un conseil d’administration ce 4 juillet, le Tchad espère prendre véritablement le contrôle de Cotco avec la nomination des dirigeants de l’entreprise. Pour ce faire, N’Djamena a sollicité Yaoundé pour une « bonne cogestion », a-t-on appris le 19 juin 2023 au sortir d’une audience entre le président Paul Biya et le secrétaire général de la présidence de la République du Tchad, Gali Ngothé Gatta, émissaire du président tchadien, Mahamat Idriss Déby Itno. Cette cogestion se matérialiserait notamment par la constitution conjointe de l’équipe dirigeante. De ce fait, directeur général adjoint devrait être un Tchadien.
Le Tchad s’est par ailleurs engagé devant la Commission de la Cemac (Cameroun, Congo, Gabon, Tchad, RCA et Guinée équatoriale), à rétrocéder à la Société nationale des hydrocarbures (SNH), bras séculier de l’État du Cameroun dans l’exploration et l’exploitation pétrogazière, une partie de ses actions dans Cotco. Dans une lettre confidentielle adressée le 2 juin 2023 au ministre tchadien des Hydrocarbures par l’administrateur directeur général de la SNH, Adolphe Moudiki, on a appris que le Cameroun réclame la rétrocession de 20% des 53,77% des actifs détenus actuellement par le Tchad dans le capital social de Cotco. Mais, le Tchad, lui, se propose de transférer une « participation supplémentaire supérieure à 10% ».
On ignore pour l’instant si le conseil d’administration de ce 4 juillet a planché sur cette question. On attend aussi de savoir le sort que le Tchad et le Cameroun comptent réserver au 41,06% des actions de Cotco revendiquées par Savannah Energy. Tout comme on attend de voir comment la junior pétrogazière britannique va réagir à ces évolutions.
source : Investir au Cameroun
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