DONATIEN KOAGNE: Un grand Feyman qui multipliait Les Dollars.
C’est au début des années 90 que le Cameroun découvre avec un mélange de crainte et de fascination les premiers Feymen. Le plus connu d’entre eux reste incontestablement Donatien Koagne.
Le «King» comme il est bientôt surnommé, roule carrosse à l’étranger où il est passé maître dans l’art d’emprunter les billets de banque pour les multiplier grâce à une technique révolutionnaire —en théorie du moins.
Car malgré l’apparente simplicité du traquenard, Donatien peut se vanter d’avoir épinglé à son tableau de chasse plusieurs chefs d’Etat africains et autres grands de ce monde. Sa mort au Yémen, où il aurait été condamné à l’amputation d’un bras avant de mourir en prison, achèvera d’en faire un mythe.
Dans le quartier très populaire de New-Bell à Douala où le phénomène est apparu, la figure populaire du Feymen prend bientôt des allures de héros moderne. Argent facile, grosses cylindrées et champagne qui coule à flot dans les boîtes de nuit; la Feymania fait rêver une frange de la jeunesse paupérisée des grandes villes camerounaises.
Qui était Donatien KOAGNE ?
Né dans une famille démunie de 9 enfants, rien a priori ne le prédisposait à une renommée internationale. Et pourtant, Donatien Koagne a dans les années 1990 marqué l’esprit de nombreux camerounais. Ses exploits ont fait rêver tant de jeunes africains. Il incarnait la réussite financière.
En octobre 1989, il est arrêté à l’aéroport de Douala, porteur d’une cargaison de mercure. Sans se dégonfler, il explique qu’elle est destinée à fabriquer de la fausse monnaie, et il offre de l’argent au commissaire. Inculpé pour corruption, il est disculpé grâce à ses appuis.
Sa vraie spécialité consistait à «multiplier les billets»
A ses interlocuteurs, il faisait croire qu’il dispose d’une méthode pour dupliquer les billets. Il se prétend capable de tripler les mises de fonds. Ses premières démonstrations, il les fait dans des cuves de teinture d’iode, dissimulant deux vrais billets.
Dans un petit laboratoire installé dans une mallette, Koagne cache deux vrais billets enduits d’une peinture noire. Après l’introduction du billet à dupliquer, un produit dissout la peinture noire, laissant apparaître trois billets, apparemment identiques.
Koagne fait ensuite des «tests» à plus grande échelle, en ramenant des valises de vrais billets mouillés à ses commanditaires.
Une fois le test réalisé avec 100 000 dollars, les pigeons n’hésitent plus à lui confier des millions.
Beaucoup d’hommes d’Etat y ont laissé des plumes, à l’instar de Mobutu Sesse Seko de la Rd Congo (15 millions de dollars), Blaise Compaoré du Burkina Faso (40 millions de dollars), le président congolais Sassou N’Guesso de 7 millions de dollars, Nelson Mandela, Gnassingbé Eyadema du Togo.
Parmi ses victimes figurent plusieurs ministres Gabonais, Béninois, des Espagnols, des Français et même un membre des services secrets israéliens. Au Kenya, en Tanzanie, en Afrique du Sud, il a fait de nombreuses victimes.
Il avait conquis le cœur des chefs traditionnels de l’Ouest et avait par exemple fait un voyage par avion avec ceux-ci, y compris le sultan roi des Bamoun, qui avaient tous de l’estime pour lui.
La majorité des chefs traditionnels à l’Ouest se tenait en rang d’oignon pour l’accueillir sur le tarmac de l’aéroport de Bafoussam/Bamougoum quand il atterrissait avec son « avion privé ».
Donatien Koagne fut présenté à l’époque comme étant le premier camerounais à avoir acheté un avion. On se rappelle encore des images de la télévision nationale camerounaise (CRTV) montrant l’atterrissage sur le tarmac de l’aéroport de Bafoussam d’un jet privé qu’il venait « d’acquérir » au bord duquel se trouvait le premier ministre camerounais de l’époque.
Pendant l’opération « coup de cœur » organisée en 1994 en faveur des Lions Indomptables, alors engagés en coupe du monde aux Etats Unis d’Amérique, il remit devant les caméras de la télévision nationale, une somme de 10 millions de francs CFA pour soutenir l’opération.
La société Transair, à laquelle il venait de louer cet aéronef n’avait jamais perçu aucun sou. Elle finira même par se battre pour venir récupérer son Falcon sur place.
Surnommé le « King of Cameroon », il incarnait dans les années 90 la figure du parfait escroc. Insolemment riche, généralement paré d’amples tuniques et abhorrant sur la tête un chapeau brodé de notables ; c’était le roi des escrocs.
En 1994, le journaliste camerounais Pius Njawé se rend en Afrique du sud pour interviewer les équipes qui préparent l’accession au pouvoir de Nelson Mandela (voir Nelson Mandela). Lors d’un rendez-vous au ministère des affaires étrangères, Njawé est interloqué par une question du ministre. Celui-ci veut savoir s’il y a un roi au-dessus du président de la République au Cameroun. Njawé rétorque non et s’enquiert du pourquoi de la question. C’est que le cabinet du ministre vient de recevoir un fax annonçant l’arrivée du roi du Cameroun. Njawé réussit à obtenir un rendez-vous avec le mystérieux « roi du Cameroun » et découvre qu’il s’agit en fait de Donatien Koagne.
Donatien a voulu refaire le coup de multiplication des billets de banque au Yémen, fin 1995, à l’un des chefs des services spéciaux. Il lui promet de fabriquer 9 millions de dollars avec 3 millions. Le piège fonctionne. Il embarque 2,5 millions de dollars dans son Falcon 20.
A Nairobi, l’avion heurte une gazelle et Koagne loue un Falcon 50 de chez Dassault. Arrivé au Bourget, l’avion est fouillé par les douanes. Le magot est saisi. Certains billets sont mouillés. Les douaniers pensent qu’il s’agit de faux dollars, décident d’envoyer une cargaison pour expertise aux Etats-Unis.
Les américains tombent des nues: non seulement les billets sont authentiques, mais ils viennent de la Réserve fédérale. Une enquête leur apprend qu’il s’agit de fonds spéciaux, délivrés à un gouvernement moyen- oriental. Une «aide» financière qui a pris un chemin de traverse »
Koagne qui sera mis en garde à vue commissariat du Bourget, sera libéré 5h plus tard à la suite d’un appel mystérieux reprend le Falcon 50 et retourne à Saana pour y rechercher de l’argent.
Il y est arrêté et mis au secret. Alors que les quatre Camerounais qui l’accompagnent sont écroués et condamnés. Il n’a pas d’existence judiciaire. Peut-être à cause de l’origine des fonds qu’il a détournés.
Donatien Koagne dont on situe l’âge dans la cinquantaine est alors écroué dans une prison au Yémen. Des sources disent qu’il avait les deux mains amputées, en application de la charia qui prévoit ce genre de châtiment pour les bandits de grand chemin.
C’est alors que les barbouzes sortent du bois. Il apparaît d’un côté que les Yéménites veulent récupérer leur argent et de l’autre côté, des agents très spéciaux, le MOSSAD israéliens, la DST Française, le FBI Américain et Interpol veulent mettre la main sur Le fameux et surtout précieux « carnet » dans lequel Donatien notait les noms de ses victimes.
L’opération «Jardin d’Eden», imaginée par les barbouzes français, visait à le faire évader des Prison SAANA le capital du YEMEN
C’est un homme qui a tout osé, même l’impensable. Il a connu les succès et les échecs, les honneurs et les déshonneurs suprêmes, il a atteint le sommet et le fond, il a connu la grâce et la disgrâce, il a tout gagné et a tout perdu, jusqu’à sa dignité et jusqu’à sa sœur Jeanne Magloire Koagne dit la princesse qu’il avait tant aimé et qui avait été sauvagement assassinée à son domicile, au quartier Ngousso, à Yaoundé » peut-on lire à son sujet dans le livre « l’art de l’arnaque à l’africaine.
Donatien et Jeanne Koagne ont rejoint leur père David Koagne décédé en 2000, leur mère Denise Memdjofang décédée 2008 et leur frère Gutenberg assassiné en Afrique du Sud et dont le crâne fut acheminé au Cameroun sous forme de colis.
Héros pour certains, monstre pour d’autres ; il était tout cela à la fois ; je retiens néanmoins qu’il est le premier camerounais à avoir ouvert des casinos à Douala et à Yaoundé, il a aidé plusieurs personnes dans son Bafoussam natal, il a largement contribué à l’opération coup de cœur pour les lions indomptables en 1994, il avait aussi investi dans la métallurgie, la chaudronnerie et l’hôtellerie, très généreux il donnait beaucoup d’argent partout où il passait, il fut président du Racing Club de Bafoussam ( TPO). C’est aussi pendant cette période que le Racing de Bafoussam a connu les heures les plus glorieuses de son histoire en remportant sa première coupe du Cameroun de football.
Koagne Donatien disait toujours, qu’il n’a jamais pris 5 francs à un Camerounais et que son rêve était d’aller chercher fortune à l’extérieur pour venir investir au pays.
Koagne Donatien avait des soutiens aux plus hauts sommets de l’Etat et parmi lesquels Jean Fochivé ancien chef de la police politique d’Ahmadou Ahidjo et Paul Biya.
Avec sa disparition, plusieurs questions sont restées en suspend
– Quelles étaient le contenu des relations particulières entre Koagne Donatien et Jean Fochivé?
– Comment Jean Fochivé a procédé pour aider Koagne à fuir le Cameroun alors que les services secrets Français et américains étaient à ses trousses ?
– Qui et pourquoi a t-on assassinée le 27 novembre 2005 la sœur préférée de Koagne Jeanne Magloire Koagne, celle-là qu’il appelait « princesse » ? C’est elle qui détenait tous les secrets de l’homme et donc son fameux carnet.
– Pourquoi l’opération «Jardin d’Eden», imaginée par les barbouzes français, visait à le faire évader?
– Ou est passé le fameux et précieux carnet de Donatien?
Sources:
– Arol KETCH Coupsfrancs,
– Liberation Novembre 1998,
– Capital Mai 1999
– Les Cahiers de Mutations, volume 047, octobre 2007.
– Anatomie d’une Arnaque Feymen et Feymania Dominique Malaquais Ceri Sce Po Paris
source : L.D