Fonction publique : les enseignants sacrifiés au nom de la soutenabilité de la masse salariale
Une vague d’inquiétude et de suspicion s’est emparée de l’opinion publique nationale après la publication d’une correspondance cosignée par le ministre de l’Enseignement supérieur (Minesup), Jacques Fame Ndongo et le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative (Minfopra), Joseph Le. Ce document dont le destinataire était le Secrétaire général de la Présidence de la République contenait une proposition de réforme, dont la validation viendrait à terme bouleverser le processus de recrutement des enseignants à la Fonction publique.
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Concrètement, le Minesup et son homologue du Minfopra proposaient sans le dire clairement, que dès l’année 2023, l’admission à l’Ecole normale supérieure (ENS) et à l’Ecole normale supérieure d’enseignement technique (Enset) ne soit plus un passe- droit pour un accès direct à la fonction publique. « Il faudra maintenir les droits acquis pour les étudiants admis jusqu’en 2022 qui seront automatiquement intégrés dans la fonction publique à l’issue de leur formation » et de « séparer dès l’année 2023, les fonctions de formation de celles d’intégration à la fonction publique ; ce qui induit que le Minesup continuera d’organiser les concours d’entrée dans les Ens et les Enset dans la fonction publique de l’Etat ,tandis que le Minfopra procédera à l’organisation des concours directs pour l’intégration des lauréats des Ens et des Enset dans la Fonction publique de l’Etat en tenant compte des besoins exprimés par le Minesec ainsi que les disponibilités budgétaires», peut-on lire dans cette correspondance datée du 19 mai 2022.
Soutenabilité de la masse salariale
Alors que les hommes politiques et autres analystes pestent depuis la semaine dernière en tentant de trouver les raisons qui pourraient expliquer la mise en œuvre de la mesure sus-évoquée, la réponse pourrait simplement se résumer aux vocables «disponibilités financières» qui figurent dans l’extrait tiré de la correspondance du Minesup et du Minfopra. En effet, au vu de la persistance des contraintes socio- économiques actuelles et compte tenu du poids des salaires dans le budget de l’Etat qui s’élève à 21,6% dans la Loi de finances 2021, il s’agit peut-être d’une pirouette élaborée par les deux membres du gouvernement pour aider l’Etat à soutenir la masse salariale des agents publics. Surtout que d’après un article paru dans les colonnes de votre bihebdomadaire en juillet 2021, dans lequel l’auteur relayait les conclusions d’une étude menée par le ministère des Finances en 2017, il est indiqué que le volume des salaires payés entre 2006 et 2017 a connu une progression annuelle de 7,8%, supérieure à la croissance moyenne des recettes fiscales (7,5%) au cours de la période.
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D’après la même étude, l’éducation est le secteur qui tire le volume des salaires à la hausse, soit 51,6% de la masse salariale de l’Etat. «Alors que les effectifs des enseignants du secondaire sont passés du simple au triple, ceux de l’éducation de base ont doublé (tendance globale) tandis que les effectifs de la santé comme ceux des secteurs productifs (production rurale, minière, télécom, etc.) ont baissé», révèle l’étude du Minfi. Au point où, à fin mai 2021, le secteur de l’Education comptait 157 961 agents soit 45,8% de l’effectif de la fonction publique. Loin devant l’Administration générale et financière (9,5%), la Santé (5,1%), le Secteur rural (3,1%) et la Gouvernance (3,1%).
Mise au point
Le tollé général provoqué par la diffusion publique de la correspondance des deux membres du gouvernement évoqués supra, est parvenu aux oreilles de l’un des cosignataires de ce document, en la personne de Jacques Fame Ndongo. Ce membre du gouvernement, chargé de l’Enseignement supérieur s’est d’ailleurs fendu d’un communiqué dans lequel il tente d’apporter des éclaircissements concernant la proposition de réforme élaborée conjointement avec son homologue Joseph Le. S’il confirme avoir soumis une proposition similaire à la haute hiérarchie, il indique cependant que son implémentation est conditionnée par l’accord préalable de cette dernière. Pour mémoire, notons que le gouvernement est engagé dans un coûteux processus d’apurement de la dette due aux enseignants, dont le montant est estimé à 181 milliards de Fcfa.
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Source : EcoMatin