Seconde Guerre mondiale : la bataille de Stalingrad, première vraie défaite allemande
IL Y A 80 ANS
Le 23 août 1942, la VIe armée allemande atteignait la Volga et commençait à bombarder la ville de Stalingrad. Cette date marque le début de la célèbre bataille du même nom. Pendant plus de six mois, la Wehrmacht et l’Armée rouge se sont livrées une lutte sans merci faisant près de deux millions de morts. Un des tournants de la Seconde Guerre mondiale.
« La ville est morte. Les gens sont dans les caves. Tout est calciné. Les murs brûlants des maisons sont comme les corps de défunts morts dans une chaleur effroyable et qui n’auraient pas eu le temps de refroidir ». Dans ses carnets de guerre, le célèbre écrivain soviétique d’origine ukrainienne Vassili Grossman raconte sa vision apocalyptique de la ville de Stalingrad.
Pendant plusieurs mois, alors qu’il est correspondant de guerre, il assiste à la terrible bataille que se livrent les armées allemandes et soviétiques et qui mène à la destruction presque totale de cette ville située au sud-ouest de la Russie. D’août 1942 à février 1943, Stalingrad, qui porte depuis 1925 le nom du dirigeant de l’URSS, devient l’épicentre de la Seconde Guerre mondiale et focalise toute l’attention d’Adolf Hitler et de Joseph Staline.
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Pourtant au début de l’été 1942, ce puissant centre industriel n’est pas un objectif pour l’armée allemande. Un an après le début de l’invasion de l’URSS, l’Allemagne nazie décide de lancer sa deuxième grande offensive dans la région, l’opération « Fall Blau » qui a notamment pour but de sécuriser les champs de pétrole du Caucase. « L’idée est à la fois de s’assurer des approvisionnements de pétrole et d’en priver les Soviétiques », explique l’historien François Kersaudy, auteur de « Stalingrad » (Éditions Perrin). « Hitler va donc envoyer toute son armée vers Kharkov et Stalingrad, mais cette dernière est une limite géographique qui ne l’intéresse pas en tant que telle, mais qui va servir à bloquer le chemin aux armées soviétiques et à assurer ses arrières pour foncer dans un deuxième temps vers le Caucase ».
« Une ville en ruine »
Dans le même temps, Staline pense pour sa part que l’offensive ennemie va être de nouveau déclenchée sur Moscou après l’échec de l’hiver précédent. Son armée est donc concentrée sur le chemin de la capitale. Les premières phases de l’opération « Fall Blau » se déroulent donc sans accroc pour les Allemands, mais au mois d’août, Hitler, qui est connu pour ne pas s’en tenir aux plans initiaux, change finalement sa stratégie, comme le décrit François Kersaudy : « Il va envoyer son groupe d’armée A au Caucase et en même temps son groupe d’armée B vers le Don et la Volga, c’est-à-dire vers Stalingrad. Cela fonctionne dans un premier temps car les Soviétiques sont pris par surprise et qu’il a une supériorité numérique et de matériel ».
Le 23 août 1942, la Wehrmacht atteint le nord de la ville et commence à la bombarder. Mais les soldats d’Hitler peinent à la prendre entièrement. « Stalingrad est tellement bombardée qu’il n’en reste que des ruines. Résultat, une ville en ruine est beaucoup plus facile à défendre qu’une ville debout. Les Soviétiques vont s’y accrocher et les Allemands vont avoir de plus en plus de mal à les en déloger », souligne le spécialiste de cette bataille. Stalingrad devient alors le théâtre de combats urbains au cours desquels les tireurs embusqués deviennent des héros et où les pertes sont immenses.
Les combats sont acharnés. Alors que les forces allemandes contrôlent 90 % de la ville, les Soviétiques tiennent bon dans le secteur des usines. « Les Allemands n’avaient jamais combattu dans des villes. Ils avaient l’habitude des grandes manœuvres dans des terrains dégagés. Ils progressent très peu et en plus, ils font face à deux problèmes. Le premier, c’est que les défenseurs soviétiques parviennent à arriver sur leurs arrières par les souterrains et les égouts et le second, c’est qu’ils n’arrivent pas à traverser la Volga. C’est là que se situe l’artillerie lourde soviétique avec les Katiouchas qui n’arrêtent pas de tirer et qui leur mènent la vie dure », raconte François Kersaudy.
« La mort glacée »
Alors qu’Hitler s’obstine à vouloir prendre la ville désormais devenue un objectif symbolique, la Wehrmacht souffre aussi d’une mauvaise coordination entre ses différents corps d’armée, ainsi que de graves problèmes d’approvisionnement. En novembre 1942, les Soviétiques en profitent pour lancer leur contre-offensive, l’opération Uranus orchestrée par Joukov, le chef d’état-major de l’Armée rouge et Vassilievski, vice-ministre de la Défense. « L’idée est d’arriver à enfermer les Allemands dans la ville qu’ils ont détruite par un enveloppement par le Nord-Ouest et le Sud-Est. En quelques jours, ces deux pinces vont se refermer », résume François Kersaudy.
Le 23 novembre 1942, les troupes soviétiques réussissent à faire leur jonction à Kalatch à l’ouest de Stalingrad. La VIe armée du général allemand Paulus est emprisonnée dans une poche. Alors que les hommes sont déjà épuisés, Hitler refuse par principe qu’ils battent en retraite : « 300 000 Allemands sont donc enfermés là dans un feu d’enfer, dans le froid, sans provisions. Ils essayent de les ravitailler par le Sud ou par avions, mais sans succès ».
Dans son roman « Éclairs lointains », l’écrivain allemand Heinrich Gerlach, combattant de la VIe armée et survivant de la bataille, décrit ces conditions extrêmes et ces hommes qui finissent par mourir d’un coup. « D’un pas mécanique, tels des spectres, ils frôlent la frontière de la mort glacée. Ça et là, l’un d’eux la franchit d’un pas chancelant et tombe sans un bruit. Une dernière fois, le torse essaie de se redresser puis s’affaisse, la main qui soutient mollement la tête pesante glisse. Le corps ne bouge plus. Les autres l’enjambent en trébuchant ».
Un désastre pour les Allemands
La résistance allemande est quand même acharnée. Les Soviétiques finissent par relancer une offensive au mois de janvier 1943 en direction de la ville. Le général Paulus se rend finalement le 31 janvier 1943, au lendemain de sa nomination au grade de maréchal. Le bilan est terrible. En plus de six mois, la bataille a fait plus de deux millions de morts, devenant l’une des plus meurtrières de l’Histoire. Elle devient surtout une victoire emblématique pour l’armée soviétique et connaît un retentissement mondial, comme le rappelle François Kersaudy : « La reddition de ces hommes dans un état lamentable est filmée par la propagande. C’est désastreux pour les Allemands, leur première vraie défaite alors que jusque-là on les considérait comme invincibles ».
Selon l’historien, alors que la Seconde Guerre mondiale fait rage depuis bientôt trois ans, Stalingrad marque un tournant stratégique majeur « en Europe » alors que dans le même temps les Alliés connaissent d’autres succès militaires importants. « À peu près au même moment en 1942, il y a la bataille de Midway dans le Pacifique et El Alamein en Égypte, ainsi que le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord. Tout le monde sent que les Allemands sont en mauvaise position et cela va donner un coup de fouet à beaucoup de mouvements de résistance dans toute l’Europe ».
Quatre-vingts ans plus tard, le nom de Stalingrad, (même si la ville s’appelle aujourd’hui Volgograd) résonne toujours. « C’est une bataille à peu près unique dans la Seconde Guerre mondiale, à la fois par la durée, par la quantité d’hommes, par l’acharnement, par l’importance au niveau de la propagande et au niveau des résultats. Il y a eu de la terreur des deux côtés. Il fallait continuer à se battre. Ceux présents là-bas auraient préféré l’enfer ».
source : FRANCE24